La question du tri et du recyclage est une déclinaison
majeure d’un des enjeux contemporains essentiels : l’adaptation de la
société, qui dépend de sa capacité à faire évoluer les comportements de
millions de personnes. La dilution de la responsabilité, l’habitude, la variété
des modes de vies et les dynamiques sociales se liguent toutes ensemble pour
tendre au maintien d’un comportement problématique. Comment inciter des
individus autonomes, libres et individualistes à modifier un comportement
simple, banal et dérisoire individuellement au profit d’un bénéfice flou et
lointain pour l’ensemble de la société ?
Il
s’agit là d’une version spécifique d’un dilemme bien connu des économistes sous
le nom de « drame des communs », ces situations dans lesquelles la
poursuite par chacun de son bénéfice personnel construit inéluctablement
l’appauvrissement collectif. L'illustration classique est celle du champ en commun (plus d'explications, là) où, plus indirectement, de ce qu'on à longtemps supposé être la tragédie de la mauvaise gestion pascuane (qui en fait est un mythe, écoutez ici).
La
réponse spontanée issue de nos modes d’organisation collectifs développe
souvent rapidement des solutions techniques et infrastructurelles. En
l’occurrence, l’évolution des processus industriels et marchands est bien
entamée. A tel point que l’on constate avec surprise que l’industrie du
recyclage manque déjà de plastique recyclé à valoriser.
L’infrastructure
est nécessaire mais ne saurait être suffisante pour répondre aux enjeux. Les
consommateurs doivent participer et s’impliquer, au minimum le temps de
refonder une habitude qui soit plus soutenable. De mon point de vue de
psychologue social, nous vivons dans le primat du technique sur le
comportemental. L’illustration dans le recyclage en est que le système
technique demande beaucoup à l’individu. Il faut une certaine expertise pour
savoir quelle partie d’emballage va au tri et laquelle est un déchet. En
situation de doute les personnes tendent ainsi plutôt à ne pas trier, au détriment
du bon rendement du système.
Je
crois que de nouveaux progrès peuvent être faits si l’on fait aussi l’effort
d’adapter le système aux comportements plutôt que de se contenter de demander
aux personnes de s’adapter. Demander à la technique plus d’adaptation pour
réduire le besoin d’expertise individuelle serait une piste d’évolution
efficace. Les efforts d’éducation et de motivation des individus ne sauraient
bien sûr être réduits, mais il faut se concentrer sur la bonne interaction des
hommes et des systèmes techniques, vers une ergonomie comportementale.
Une
condition initiale de cette ergonomie peut être de responsabiliser les
consommateurs. De nombreux travaux de recherche montrent qu’il est cependant
indispensable de résister à la tentation de culpabiliser les individus comme on
a pu le faire par la passé. Au contraire il faut proposer aux personnes le
contexte nécessaire à réussir le tri et à en tirer un bénéfice d’estime de soi propre
à pérenniser les bons comportements.
Hello Xav, ravie de te lire, surtout sur un sujet qui me fait vivre ces temps ci. J'aime toujours tes analyses lucides et envolées. Au plaisir d'échanger bientôt. Marie G
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